lundi 31 octobre 2011

Après les primaires : passer du vote utile au candidat utile

©Olivier Clément - www.parti-socialiste.fr
Le 16 octobre 2011, plus d’1,6 millions d’électeurs (56 % des suffrages exprimés) ont choisi François HOLLANDE  comme candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012. Il n’était certes pas mon candidat favori, mais il bénéfice désormais d’une incontestable légitimité populaire, au terme de primaires citoyennes qui auront focalisé l’attention médiatique, accaparé les conversations privées, battu des records d’audience télévisée et déplacé des millions d’électeurs de gauche, autant de phénomènes inédits et réjouissants pour un simple scrutin partisan ! Les primaires n’ont pourtant pas échappé aux travers de la démocratie d’opinion version Ve République. Disons pour faire simple que nous avons vécu deux campagnes concomitantes.

Une campagne de 1er tour réjouissante ! Evacuées les craintes d’un affrontement fratricide ! Des candidats respectueux et d’accord sur l’essentiel, nous offrirent un véritable débat d’idées, et en fin de compte un choix entre des orientations divergentes. Les électeurs ne s’y sont pas trompés qui ont sanctionné l’orientation social-libérale proposée par Manuel VALLS, et valorisé au contraire le discours antilibéral d’Arnaud MONTEBOURG. J’ai apprécié, moi aussi, les prises de position déterminées de ce dernier sur le libre-échange, les banques ou la VIe République, appuyées par une éloquence sans pareil. J’ai regretté néanmoins qu’il fasse l’impasse sur les questions sociales : salaires, répartition des richesses, retraites etc. J’ai été consterné comme beaucoup par son ralliement à François HOLLANDE. J’avais autrefois apprécié le pourfendeur des paradis fiscaux, puis l’animateur, avec Benoît HAMON et Vincent PEILLON, du Nouveau Parti Socialiste (NPS), l’un des deux courants de la gauche du PS entre 2002 et 2005. L’homme avait pris ensuite un chemin plus sinueux, solitaire et parfois surprenant… pour incarner à nouveau la gauche socialiste le temps d’une campagne ! Arnaud MONTEBOURG a du panache, mais ancrer le PS plus à gauche suppose davantage de constance et de cohérence.

Si le 1er tour m’a plutôt réjoui – un vote de conviction en quelque sorte – le second a trop nettement renoué avec les travers de la démocratie d’opinion. A qui la faute ? Bien-sûr au système médiatique – grands médias et instituts de sondage appartenant à l’establishment capitaliste – qui a fait de François HOLLANDE son favori dès lors que Dominique STRAUSS-KAHN était hors course, et l’a présenté comme le mieux placé pour battre Nicolas SARKOZY. Assurément aux institutions plébiscitaires de la Ve République, qui attirent l’attention des citoyens moins sur les débats d’idées que sur les personnalités et leur capacité à rassembler au-delà des clivages partisans, incitant finalement au conformisme politique. Mais à vrai dire, l’électorat populaire a-t-il jamais aimé arbitrer les désaccords internes à la Gauche ? N’a-t-il pas de longue date préféré s’en remettre, pour être utile à son camp, à celui désigné comme son plus légitime représentant ?

Lors de mes discussions de campagne, j’ai vu aussi dans ces primaires l’expression d’un paradoxe propre aux démocraties matures. L’électeur se sent investit d’une responsabilité qui dépasse la simple expression de ses convictions personnelles. Il réfléchit, débat, s’informe, élabore une stratégie électorale, anticipe les suffrages de ses concitoyens… parfois jusqu’à  s’oublier en tant que détenteur d’une part de la souveraineté populaire. Le citoyen s’efface devant l’apprenti politologue ! Ce phénomène traduit avant tout le niveau élevé d’éducation politique des Français. Il est salutaire en soi, et il s’est par exemple traduit par la victoire du non au référendum sur le TCE en 2005 – bel exemple de réflexion citoyenne autonome vis-à-vis de l’establishment médiatique. Mais dans un contexte de ras-le-bol vis-à-vis du pouvoir en place, ce phénomène a décuplé l’effet du « vote utile » en faveur du favori – le mieux placé pour battre Nicolas SARKOZY – sans qu’il y ait de place dans le débat public pour un questionnement sur les critères de détermination de ce favori.

Le vote utile – déjà présent au 1er tour – a d’autant mieux fonctionné au second tour que les deux principaux candidats ont soigneusement évité de se distinguer l’un de l’autre sur le plan des idées. Or l’indifférenciation politique bénéficie forcément au favori. De fait, Martine AUBRY n’a pas su mettre en avant son profil social et se dégager de l’image dans laquelle l’avait enfermé le « pacte de Marrakech ». Elle a tardé à se démarquer de la « gauche molle », se refusant à faire de cette distinction un véritable clivage idéologique. Elle s’en est prudemment tenue au projet du PS négocié et adopté sous son égide en mai dernier – c’est tout à son honneur de Première secrétaire – sans prendre toute la mesure des attentes du peuple de Gauche en matière de transformation sociale et de rupture avec le dogme néolibéral. Au final, le débat télévisé d’entre-deux-tours a donné à voir deux candidats défendant les mêmes propositions, d’autant que François HOLLANDE  a su tirer le bilan du 1er tour et quelque peu infléchir ses positions, par exemple en annonçant clairement qu’il rétablirait l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Je reste néanmoins convaincu qu’il fallait faire ces primaires citoyennes et je ne me sens pas du tout dépossédé de mon rôle de militant du Parti socialiste. Il faut avoir vécu les primaires internes de 2006 pour mesurer combien, plus que les citoyens, les adhérents socialistes sont sensibles à la logique du vote utile – c’est lui qui avait permis à Ségolène ROYAL d’être désignée candidate. Et il faut avoir milité dans un courant minoritaire en période de congrès pour sentir tout le poids des baronnies et des clientèles locales, que les primaires de 2011 ont eu le mérite de diluer dans la masse citoyenne. Ces phénomènes sont certainement le propre d’un parti de masse, assis sur un dense réseau d’élus, dans une époque où règne la démocratie d’opinion. Il y a toutefois une certaine ironie à entendre reprocher aux primaires de dénaturer le rôle du militant, souvent de la bouche de camarades communistes : ceux-là mêmes qui ont choisi pour candidat un tribun venu du PS, étranger à leur culture militante, dont le principal mérite est d’être populaire dans l’opinion publique ! A vrai dire, les primaires citoyennes étaient ouvertes à toute la gauche, et il est bien dommage que les conditions politiques n’aient pas été réunies pour que les écologistes et les communistes s’y associent. Toujours est-il que bon nombre de sympathisants d’EELV ou du Front de Gauche ont voté aux primaires, au moins au 1er tour.

Nous voilà, socialistes, dotés d’un candidat. Il a des compétences, un certain brio, une ténacité indéniable. Nous avons un candidat… Mais pour quelle orientation politique ? Quel message clair sur la crise de l’euro et l’enjeu de la dette publique ? Quelles réponses à la rigueur salariale, au chômage, à la précarité au travail, au sentiment de déclassement ? Quelle réforme des retraites ? Quelle position sur le nucléaire ? Quelles mesures pour enrayer la crise du logement ? Quelle politique commerciale face aux dérives du libre-échange ? … Les électeurs des primaires ont choisi le mieux placé, apparemment, pour l’emporter en 2012. Ils ont aussi choisi un candidat qui sur beaucoup de sujets ne s’est pas franchement prononcé, un candidat qui n’a pas encore modelé précisément l’orientation politique pour laquelle il demandera les suffrages des Français l’an prochain. 

Reste à François HOLLANDE à convaincre les Français qu’il incarne une véritable alternative à la politique de rigueur budgétaire, de régression sociale et de dissension républicaine de la Droite. Le défi n’est pas mince, tant les socialistes ont souvent déçu par leurs tergiversations, encore l’année dernière sur les retraites, et plus particulièrement ces dernières années face à la dérive libérale de la construction européenne. Le défi est d’autant plus aigu que confrontée à la crise de l’euro et de la dette, une partie de la social-démocratie européenne accumule les renoncements et désespère les peuples. Or la sortie de crise ne passera pas par la rigueur, qui fait trinquer les classes moyennes et populaires sans relancer la croissance. La reconquête par les pouvoirs publics de marges de manœuvre – réforme fiscale, politique industrielle, intervention dans la sphère bancaire, renforcement politique et budgétaire de l’Europe – devra permettre au contraire la relance économique, une meilleure justice sociale et l’amorce d’une véritable transition écologique. C’est à vrai dire un nouveau modèle de développement qu’il faut proposer aux Français, fondé sur une production durable et une meilleure répartition des richesses.

Conscient de ces enjeux, soucieux aussi de rassembler les socialistes, François HOLLANDE sera bien avisé de s’appuyer sur le projet du PS, adopté à l’unanimité en mai dernier. C’est un projet solide qui contient la plupart des outils nécessaires au réarmement de la Gauche. A cet égard, le débat télévisé de l’entre-deux-tours a permis au candidat de lever quelques doutes en se prononçant clairement pour le rétablissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, la mise sous tutelle des banques, le non-cumul inscrit dans la loi ou encore le principe de réciprocité commerciale aux frontières de l’UE… Mais ces derniers temps, son entourage s’applique à brouiller le message du candidat, que ce soit sur les retraites, sur le nucléaire, ou sur les 60 000 créations de postes dans l’Education nationale. François HOLLANDE aura intérêt à revoir aussi son « contrat de génération », dont les débats ont prouvé le peu d’efficacité, et à mettre plutôt l’accent sur l’allocation d’autonomie et sur les contrats d’avenir prévus pour la jeunesse par le projet du PS. Il conviendra enfin d’être particulièrement vigilant vis-à-vis des tentations d’ouverture au centre, perceptibles chez plusieurs soutiens du candidat notamment au Sénat. Sur le plan tactique, ce serait mettre en péril l’union de la Gauche et donc la victoire en 2012. Sur le fond, ce serait un ralliement inadmissible à la pensée unique libérale, qui fait tant de ravages actuellement dans l’Union européenne.

Les primaires citoyennes ont donné à François HOLLANDE une forte légitimité, ainsi qu’une immense responsabilité. Il lui revient désormais de tirer toutes les leçons de ce scrutin et d’éviter les faux-fuyants pour se montrer à la hauteur de la crise européenne, répondre aux attentes du peuple de Gauche et incarner pour la majorité des Français une véritable alternative à la politique actuelle. Ce sont les conditions non seulement pour battre Nicolas SARKOZY, mais pour ensuite faire bouger les lignes et mettre en œuvre une politique de transformation sociale qui ne déçoive pas les Français.

lundi 3 octobre 2011

Martine Aubry, une candidate qui ne décevra pas la gauche



Passés le buzz médiatique et l'ornière de la personnalisation, les primaires des 9 et 16 octobre 2011 vont permettre aux citoyens de gauche de choisir entre des orientations politiques différentes. Quel changement voulons-nous voir porter par le candidat de la gauche en 2012 ?



  • Des restrictions européennes au libre-échange face au dumping social et environnemental,
  • La modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’usage de leurs profits,
  • Une Banque Publique d’Investissement,
  • La sortie progressive et définitive du nucléaire,
  • Le droit à prendre sa retraite à 60 ans,
  • L’encadrement des loyers dans les zones de spéculation,
  • Une allocation d'études et 300 000 emplois d'avenir pour la jeunesse,
  • Le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples,
  • Le non cumul des fonctions et des mandats pour les ministres, députés et sénateurs…
Ce sont quelques-unes des propositions portées par Martine Aubry. Que l'on vote socialiste ou non au 1er tour des Présidentielles, ces propositions - et leur présence ou non au 2nd tour - ne peuvent nous laisser indifférents. Elles contribuent à faire de Martine Aubry la mieux placée pour battre Sarkozy en rassemblant la gauche autour d'un projet ambitieux de transformation écologique et sociale.

"Martine Aubry, une candidate qui ne décevra pas la gauche". C'est le titre de l'appel lancé aux électeurs de toute la gauche par le courant socialiste Un monde d'avance emmené par Benoît Hamon et Henri Emmanuelli.

Toutes les propositions de Martine Aubry sur www.martineaubry.fr