jeudi 19 janvier 2012

En 2012 réduisons la dette écologique

© Marie Touzet
Le tonnerre provoqué par la dégradation de la note française par Standard and Poor’s n’est qu’un nouvel épisode de l’offensive par laquelle, depuis la crise de 2008, les marchés financiers tentent d’imposer la réduction de l’endettement public par l’austérité comme une priorité politique en Europe, continuant ainsi d’opérer un gigantesque transfert de richesses vers les détenteurs du capital financier au détriment des salariés. Après avoir fait tomber les gouvernements grec, espagnol et italien, l’enjeu de la dette publique s’est d’ores et déjà immiscé au cœur du débat français pour les élections présidentielles.

Toutefois, après l’immense protestation sociale de 2010 contre la réforme des retraites, c’est l’indignation citoyenne qui pourrait bien prendre le relais en 2012, pourvu qu’elle trouve un débouché politique. Ce sont ainsi près d’un millier de personnes qui se sont réunies dimanche dernier à l’Espace Reuilly (Paris 12e) pour mettre en débat la légitimité de la dette publique et faire émerger des stratégies pour refonder une Europe plus démocratique, dans le cadre d’une journée de débats organisée par Attac en partenariat avec Médiapart et intitulée : « Leur dette, notre démocratie ». Dans un autre registre, le collectif des économistes atterrés vient de publier Changer d’économie ! Nos propositions pour 2012. Dénonçant notamment l’instrumentalisation de la dette publique pour justifier des politiques d’austérité désastreuses, ils y développent de solides propositions de politiques économiques alternatives.

Avec la crise financière, la dette publique s’est donc imposée dans les débats, reléguant à l’arrière-plan une autre dette, moins immédiatement tangible mais probablement plus explosive, la dette écologique. Le concept est discutable – il a d’ailleurs été écarté du protocole de Kyoto en 1997 – de même que la notion d’empreinte écologique dont le calcul fait débat (« si tous les Terriens avaient la même empreinte écologique que les Français, ils devraient disposer de trois fois notre Planète »). Mais l’un et l’autre s’appuient sur des réalités scientifiquement incontestables et nous renvoient à notre responsabilité collective, tant vis-à-vis des pays pauvres qui subissent de plein fouet les dégradations environnementales sans profiter encore des bénéfices du développement économique, que vis-à-vis des générations futures qui devront faire face à des crises écologiques majeures : dérèglement climatique, épuisement des énergies fossiles, perte accélérée de biodiversité, dégradation des écosystèmes, raréfaction et pollution de l’eau douce etc.

Ainsi, d’après le GIEC, et pour s’en tenir au seul enjeu du réchauffement climatique, l’objectif de réduire de 50% nos émissions globales de gaz à effet de serre d’ici 2050 suppose une réduction de 80% dans les pays développés. Cela laisserait au pays en développement la possibilité d’augmenter leurs émissions de 3%, soit une réduction de près de 50% des émissions par habitant compte tenu de leur dynamique démographique. « Il faudra donc des réductions d’émissions bien plus importantes de la part des pays riches que celles envisagées aujourd’hui pour alléger le fardeau des pays en développement (…) mais surtout des compensations financières conséquentes pour permettre à ces pays de se développer de manière soutenable » (Eloi LAURENT, Social-écologie, Flammarion, 2011). On mesure le long chemin qui reste à parcourir après les résultats décevants des conférences de Cancun (2010) et de Durban (2011) et à six mois de la prochaine conférence des Nations unies sur le développement durable (« Rio+20 »).

Il est d’abord de notre responsabilité d’agir localement en faveur du développement durable. Ainsi Paris poursuivra-t-elle en 2012 sa politique ambitieuse de réduction des gaz à effet de serre (Plan climat de 2007), de développement de la biodiversité (Plan biodiversité de 2011) et de promotion des pratiques écologiques. Dans le 12e, l’année sera marquée avant tout par l’arrivée du Tramway, mais aussi par la création de nouveaux jardins partagés, l’implantation d’un nouveau rucher ou encore la rénovation thermique de locaux scolaires. 2012 est aussi une année électorale, l’occasion de faire émerger une alternative à la politique régressive de l’actuel gouvernement – souvenons-nous notamment des promesses non tenues du Grenelle de l’Environnement! A cet égard, souhaitons que dans la campagne présidentielle, la crise financière n’occulte pas la crise écologique.

Crise financière et crise écologique trouvent à vrai dire leurs racines dans une même perversion du rapport que nos sociétés entretiennent avec le temps. De même que le capitalisme financier exige des rendements à court terme incompatibles avec un développement économique soutenable et durable, de même il encourage la tendance de nos sociétés à la consommation excessive des ressources naturelles, au détriment des générations futures. L’une et l’autre crise ont aussi pour point commun de creuser les inégalités sociales intra- et internationales, qui elles-mêmes alimentent ces crises Bref elles nous invitent à retrouver le sens et les outils de la démocratie, notre meilleur recours pour renouer avec le temps long et bâtir un nouveau modèle de développement fondé sur la justice sociale.